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27 juin 2011 1 27 /06 /juin /2011 09:41

Ibn Taïmiya et les kharijites (Partie 4)

par Karim Zentici

 

Il incombe de savoir ici que les facteurs qui poussent aux troubles sont partagés entre les acteurs en jeu (ou autre traduction possible : constants ndt.). En effet, quand les cœurs sont perturbés, ils ne sont plus dans une optique de recherche de la vérité, et sont donc, aveuglés. Si bien que les comportements ressemblent terriblement à ceux des païens avant l’Islam qui ne connaissaient pas la vérité, mais qui ne la cherchaient pas non plus. L’Islam a eu le mérite d’apporter aux hommes le savoir utile et les bonnes œuvres qui leur ont permis non seulement de connaitre la vérité, mais de la vouloir ardemment. Ainsi, une corrélation se crée entre l’avidité de certains gouverneurs qui sèment l’injustice et l’impossibilité des sujets à endurer cette épreuve.

 

Or, la seule façon pour eux de se faire justice, c’est d’user de moyens qui entrainent des méfaits encore plus que grands que l’injustice qu’ils subissent. Ils en ont conscience, mais l’esprit de vengeance est encore plus fort qu’eux. Ils cherchent coûte que coûte à reprendre leurs droits sans se soucier des conséquences terribles et à grande échelle que leur action engendre. Le Prophète (r)l’avait prédit en disant : « Vous serez confronté après moi à des émirs aux appétits égoïstes, alors armez-vous de patience jusqu’à ce que vous me retrouverez à mon bassin (Hawdh). »[1]

 

Il est rapporté également d’après les deux recueils sahîh, le propos prophétique suivant : « L’individu doit obéissance à l’émir que ce soit dans l’aisance ou dans la difficulté, de son propre gré ou contre lui, et même s’il ne veut rien lui partager. »[2]

 

Il y également une annale, d’après les deux recueils sahîh, avec les termes suivants : « Nous avons fait allégeance au Prophète (r) de faire obéissance à l’émir que ce soit dans l’aisance ou dans la difficulté, de notre propre gré ou contre nous-mêmes, et même s’il ne veut rien nous partager ;  de ne pas lui contester l’autorité en place, d’être, où que nous soyons, les garants de la vérité dans les paroles et les actes, et de ne crainte, pour Allah, le blâme de personne. »[3]

 

Le Prophète (r) ordonna donc de patienter face à l’appétit cupide des responsables de l’autorité, et de leur obéir, malgré ce défaut, sans jamais se rebeller contre eux. Bon nombre de révoltes dans l’Histoire furent motivées par l’égoïsme débordant des gouverneurs, ce que les sujets ne pouvaient plus supporter. Surtout que ces gouverneurs n’avaient pas que ce défaut ; chaque faux pas qu’ils pouvaient faire attisait d’autant plus la haine dans les rangs. En se soulevant, les insurgés étaient convaincus qu’il agissait pour la bonne cause, et qu’il fallait rendre le culte à Dieu l’Unique. En réalité, le pouvoir et la richesse étaient les plus grandes motivations des insurgés, qui recherchaient avant tout leurs intérêts personnels. Un Verset nous décrit cet état : [Quand on leur en donne une part, ils sont contents, mais dès qu’on la leur refuse, ils se mettent en colère].[4]

 

D’après le recueil e-sahîh, le Prophète (r) affirme : « Il y a trois hommes à qui Allah ne parlera pas, qu’Il ne regardera pas le Jour de la Résurrection, qu’Il ne mettra pas en valeur et qui auront un châtiment terrible : un homme qui a de l’eau en abondance, mais qui refuse d’en donner aux étrangers de passage. Le Jour de la Résurrection, Allah lui dira : « Aujourd’hui, Je te refuse Mes faveurs, comme tu as refusé sur terre de partager ce que tu n’as pas obtenu de tes mains. » Un homme qui fait allégeance à un Imâm sans n’être motivé par rien d’autre que par les biens de ce bas monde ; s’il lui en donne une part, il est content, mais s’il refuse de lui en donner, il se met en colère ; et un homme qui, après la prière du ‘asr jure mensongèrement en vue découler ses marchandises… »[5]

 

Ainsi, si d’un côté on met les mauvaises passions et les mauvaises conceptions et de l’autre côté, on met les mêmes ingrédients, on obtient indubitablement un conflit. Or, le Législateur ordonne à chacun de faire ce qui revient en bien à lui et aux musulmans. Il ordonne aux responsables de l’autorité de faire régner la justice et de prodiguer le bon conseil à ses sujets. Un hadîth fait planer une menace sur lui : « Tout berger à qui Allah a confié un troupeau, et qui vient à mourir en ayant trahi son troupeau ne sentira jamais l’odeur du Paradis. »[6]

 

Quant aux sujets, ils ont pour devoir d’obéir au gouverneur et de lui prodiguer le bon conseil conformément au hadîth : « La religion, c’est le bon conseil.

-           Messager d’Allah, lui demandèrent les Compagnons, mais envers qui ?

-           Envers Allah, Son Livre, Son Messager, les gouverneurs musulmans et leurs peuples. »[7]

 

En outre, il ordonne de patienter face à leur cupidité, et interdit de leur contester leur autorité, malgré l’injustice qu’ils font régner. La raison, c’est que le mal engendré par les armes est plus grand que le mal issu de l’injustice des gouverneurs. Il n’est donc pas pertinent d’enlever un moindre mal pour en obtenir un plus grand.

 

En méditant sur les textes du Coran et de la sunna qui remonte au Prophète (r) de façon certifiée, tout en observant ce qu’on ressent en soi, mais aussi autour de soi, on appréhendera mieux le Verset : [Nous leur ferons voir Nos signes en eux-mêmes et dans les horizons afin qu’ils sachent que c’est la vérité].[8] Allah fait voir à Ses créatures des signes en eux-mêmes et à l’horizon afin qu’ils sachent que le Coran incarne la vérité ; Ses enseignements sont vrais et Ses commandements sont justes.

 

[Ainsi se parfait la Parole de Ton Seigneur en toute vérité et en toute justice ; rien ne peut changer Ses Paroles, car Il est Entendant et le Savant].[9] »[10]

 

El Hasan et el Husaïn

 

Voici en complément à ce sujet, une analyse subtile de Sheïkh el Islam ibn Taïmiya sur les deux enfants de ‘Âli (t) : « Les ancêtres du Mahdî remontent à el Hasan non à el Husaïn, car ces derniers ressemblent sous certains aspects aux deux enfants d’Ibrahim bien qu’ils ne soient pas des prophètes. Pour les protéger, le Prophète (r) invoquait Allah en ces termes : « Je vous place sous la protection des Paroles Parfaites d’Allah contre toute insufflation des démons et tout mauvais œil»[11]Il disait à ce sujet qu’Ibrahim protégeait Ismâ’îl et Ishâq de cette façon.[12]Ismâ’îl était le plus grand et le plus sage des deux garçons. C’est pourquoi, le Prophète a proclamé du haut de sa chair alors qu’el Hasan se tenait avec lui : « Mon fils que voici est un Saïd (maître ndt.), par le biais duquel Allah va concilier entre deux grandes armées musulmanes. »[13]La plupart des prophètes provenaient de la descendance d’Ishâq, et de la même façon la plupart des Imams sont de la descendance de Husaïn. Or, le sceau (ou le dernier) des prophètes dont la religion s’est répandue sur toute la surface de la Terre est de la descendance d’Ismâ’îl, il convenait ainsi que le Mahdî, ce Khalife bien guidé qui sera le dernier des Khalifes soit de la descendance de Hasan. »[14]

 

Et ibn e-Zubaïr ?

 

Ibn Taïmiya répond à cette question : « Ibn e-Zubaïr avait déjà eu un conflit avec Yazîd, dans lequel il entraina avec lui des habitants de La Mecque, du Hijâz, et d’ailleurs. À la mort de Yâzîd, il annonça sa prise de pouvoir. Il reçut le titre de Prince des croyants et l’allégeance de la plupart des provinces à l’exception du Shâm. Ainsi, sa mise au pouvoir eut lieu après la mort de l’ancien Khalife. Néanmoins, sous le Khalifad’ibn Mu’âwiya, il refusa au début de lui donner son allégeance, mais dès qu’il consentit à le faire, Yazîd émit la condition pour l’accepter qu’il se constitue prisonnier afin qu’il vienne la lui faire en personne. Alors, virent le jour entre eux des conflits qui débouchèrent sur une expédition envoyée par le Khalife à La Mecque. Yazîd s’éteignit au cours de ce fameux siège, et une partie du Shâm, l’Iraq, et d’autres provinces, offrirent alors leur allégeance à ibn e-Zubaïr.

 

Après le décès de son père, Mu’âwiya ibn Yazîd s’installa sur le trône, mais, bien qu’il était pieux et ascète, son règne ne dura pas longtemps. Après à peine quarante jours, il était descendu du trône et n’intronisa personne à sa place. Marwân ibn el Hakam s’empara des rênes du pouvoir sur le Shâm, mais il ne fit pas long feu. Ce fut son fils, ‘Abd el Malik qui allait s’installer définitivement au pouvoir, et commença par monter une armée, prit la route de l’Iraq qui avait pour émir Mus’ab ibn e-Zubaïr ; ce dernier administrait la province sous l’égide de son frère. Mus’ab perdit la vie dans les affrontements, et ‘Abd el Malik était devenu maitre des lieux. Il mit sur pied une expédition avec à sa tête, el Hajjâj. Sa mission était de déloger ibn e-Zubaïr des Lieux saints. Il installa son camp autour de la ville et, au bout de multiples assauts, le captura avant de mettre fin à ses jours.

 

‘Abd el Mâlik pouvait régner sans conteste, et fonda sa propre dynastie. Son règne vécut la conquête de Bukhârâ, et d’autres contrées de « l’Asie Mineure», sous le commandement de Qudaïba ibn Muslim, l’administrateur d’el Hujjâj ibn Yûsaf, qui, lui-même, était l’administrateur d’Abd el Mâlik ibn Marwân en Iraq, malgré ses instincts tyranniques. À cette époque, les musulmans triomphèrent sur le roi turc Khâqân après une âpre bataille, et ses fils furent capturés. Par la suite, le Sind allait entrer dans les frontières musulmanes, mais aussi, à l’opposé, l’Andalousie. Des tentatives furent menées contre Constantinople qui résista à un long siège… »[15]

 

À suivre…

 

Par : Karim Zentici


[1]Rapporté par el Bukhârî (3792) et Muslim (1845), selon Anas ibn Mâlik, selon Usaïd ibn Khudhaïr (t).

[2]Rapporté par el Bukhârî (7056) et Muslim (1709), selon ‘Ubaïda ibn e-Sâmit (t).

[3]Rapporté par el Bukhârî (7199) et Muslim (1709), selon ‘Ubaïda ibn e-Sâmit (t).

[4]Le repentir ; 58

[5]Rapporté par el Bukhârî (2369) et Muslim (108), selon Abû Huraïra (t).

[6]Rapporté par el Bukhârî (2369) et Muslim (108), selon Abû Huraïra (t).

[7]El Bukhârî l’a mentionné en tête d’un chapitre et sans chaine narrative ; il est rapporté par Muslim (55), selon Tamîm e-Dârî (t).

[8]Les Versets détaillés ; 53

[9]Le bétail ; 115

[10]Voir : Minhâj e-sunna (4/527-543).

[11]Rapporté par el Bukhârî (3371), selon ibn ‘Abbâs.

[12]C’est un passage du Hadith précédent.

[13]Rapporté par el Bukhârî (2704, 3629, 3746, 7109), selon Abû Bakra.

[14]Voir : Jâmi’ el Masâil de Sheïkh el Islam ibn Taïmiya qui propose certaines Fatwas inédites (4/99).

[15] Minhâj e-sunna (4/522-524).

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